Contrariétés professionnelles d’un jeune homme bien éduqué

Maël BASEILHAC relate une partie de son histoire que rencontrent beaucoup de jeunes qui éprouvent des difficultés à s’insérer dans la vie active malgré tous leurs diplômes et toutes leurs déterminations:

 

Qui d’entre vous ne s’est jamais posé l’inexorable question du jeune diplômé: Après toutes ces études, pourquoi ne suis-je toujours pas « bankable » sur le marché du travail ?

 

Comme moi peut-être, vous avez gravi une à une les différentes marches du long et fastidieux parcours d’embûches académique qui vous promettait une entrée fracassante dans la vie active comme « jeune cadre dynamique ». Vous avez été, comme moi, un étudiant (souvent) modèle et avez suivi à la lettre les indications de ce jeu de piste. Vous avez fait une prépa, intégréune des meilleures Grandes Ecoles de Commerce, vous êtes partis en Erasmus, vous avez perfectionné une ou plusieurs langues étrangères « parce qu’avec la mondialisation aujourd’hui c’est inévitable », vous avez fait du bénévolat en ONG et en associations et avez enfin obtenu votre diplôme ! Mais il est souvent fortement recommandé pour « faire la différence sur le marché du travail » de compléter tout cela par un mastère spécialisé. Admettons. C’est reparti,vous refaites une prépa intensive sur courte durée pour potasser les tests d’aptitudes à l’entrée en mastère spé., vous passez TOEFL, TOEIC, LELTS, GMAT et autre Tage Mage, vous réussissez vos oraux, obtenez votre année mais surtout : vous décrochez votre premier stage (non rémunéré cela va de soi) !

 

Là, votre CV commence à ressembler à quelque chose n’est-ce pas ?

 

Seulement voilà, un détail vous tracasse un peu…En effet, vous vous rendez compte petit à petit grâce à ce petit séjour accompagné dans la vie active que l’on appelle « stage » que tous ces livres que  vous avez lus, ces cours que vous avez savamment suivis et études de cas fictionnelles sur lesquelles vous avez pu vous pencher des nuits durant ne vous indiquent pas vraiment comment ça se passe dans la « vraie vie », celle du travail, celle du pragmatisme, de l’adaptation quotidienne, de la hiérarchie, des budgets à respecter, des formulaires à remplir, du risque de licenciement. Dans le CONCRET quoi.Et c’est là que le bât blesse…

 

Mais peu importe, si vous êtes comme moi, vous vous dites que rien ne vous fait peur et qu’après toutes ces rudes études et nuits blanches à finir mémoires, thèses et autres études decas, vous êtes bien décidés à faire fi de ce constat pourtant déroutant et à apprendre sur le tas,et cela en un clin d’oeil. Après tout, c’est comme ça que vous avez brillé dans votre stage et dans vos implications associatives, non ? Pour arriver à votre emploi de rêve, rien n’est trop dur. Après avoir passé toutes ces années à suivre des cours qui ne vous aident pas plus que ça à vous faire une idée concrète de votre vie professionnelle, et que de toute manière vous aurez oubliés une fois l’examen réussi, vous êtes déterminés à apprendre enfin et sur place les connaissances pratiques utiles et concrètes pour être une recrue modèle en vous remémorant alors cette phrase d’Ambrose Bierce que vous avez peut-être recopiée au-dessus de votre bureau en prépapour vous insuffler courage « Jeunesse. L’âge du possible ».

 

Le péché d’expérience…

 

Mais là, se dresse devant vous le spectre infranchissable du manque d’expérience. En effet, lorsque comme moi (et quelques autres 2,7 millions de Français) vous écumez à coups dejournées entières les différentes offres que vous pouvez débusquer en ces temps difficiles et que votre profil académique correspond à merveille à ce que l’on demande, vous apprenez dépitésque ce poste requiert une expérience préalable minimale de 3 ans! Et cela se répète jour après jour…Même les fameux Volontariats Internationaux à l’Etranger (VIE) que l’on vous a pourtant fortement recommandés (comme les stages et autres projets que vous avez entrepris auparavant d’ailleurs) parce qu’ils s’adressent justement aux jeunes diplômés de moins de 28 ans font preuve de la même contradiction abjecte et incompréhensible. En effet, il n’est pas rare de trouver une offre qui requiert un niveau d’éducation bac+5 minimum, de parler 3 languesétrangères et le tout couronné de 3 à 5 ans d’expérience préalable, tout ça un prêt sur les bras et n’ayant pas encore atteint les 28 ans !

 

“Rien n’est trop difficile pour la jeunesse » (Socrate)

 

Mais dresser un tableau sinistre de l’état des décrépitudes qui m’ont attendu le jour de ma sortie d’école n’est pas le but de ce billet. En effet, cet état des lieux n’est que la toile de fond nécessaire pour comprendre un certain état d’esprit dans lequel se trouvent bon nombre de messemblables, nous autres récents diplômés et jeunes actifs (ou pas !)…

 

Ce qu’il faut que les employeurs gardent bien à l’esprit, et ceci est fondamental, c’est que ces mêmes cadres en devenir sont encore plein de rêves, débordent de motivation, de soif d’apprendre et n’aspirent à rien d’autre qu’à faire leurs preuves… Après avoir passé pour certains plus de 7 ans à bûcher, et enchaîné examens après examens, leur désir le plus cher est de mettre enfin toute cette énergie à l’oeuvre dans la « vraie vie ». Ce sont ceux-là mêmes qui apprennent sur le tas ou en formation comme un rien tout ce qu’il y a à apprendre et d’avantage, ceux-là mêmes qui savent faire preuve d’adaptation et de flexibilité, qui ne rechignent pas à faire leurs heures supplémentaires, à se dépasser et à faire voir au monde entier qu’ils n’ont pas peur des défis et de se mettre au boulot. Pas d’inquiétude de ce côté-là, nous sommes tous restés« hungry and foolish » !

 

Or, tout est fait pour les en dissuader !

 

C’est vrai, comme beaucoup, me voilà en train de quémander et d’implorer qu’on me laisse faire mes preuves dans la vie active pour un salaire minimum, comme si toutes ces années d’études ne suffisaient pas à établir mon courage et ma détermination dans l’atteinte de mes objectifs. Me voilà en train de passer entretiens sur entretiens pour finalement buter sur je ne sais quel obstacle ultime à l’accession au poste… d’assistant ou de junior ! Pour les institutions européennes et autres fonctions publiques c’est encore pire. Après un bac+5, nous voilà encore une fois devant un concours sans fin, spécifique à chacun des différents postes pour simplement avoir accès aux entretiens et autres tests de langues ! Et lorsqu’enfin certains d’entre nous sont résolus à entreprendre leur propre chemin, que constatent-ils ? Que nous n’avons même pas appris en Grande Ecole quelles étaient les premières étapes à suivre pour monter une société oune serait-ce qu’une association !

 

Enfin, sachez messieurs les employeurs qu’au plus ce jeune diplômé plein d’énergie et d’enthousiasme attendra qu’on veuille bien lui laisser une chance, au plus il se démotivera. Il sera déçu, aigri, désabusé et le jour où enfin il décrochera un premier emploi comme commercial (à bac+5 !), ce sera un jeune sans vie et sans force d’initiative que vous embaucherez car malmené par cette vie active à laquelle personne ne le prépare vraiment quoi qu’on en dise. Alors s’il vous plaît ne les faites pas attendre, sinon ils flétrissent ! Faites le pari des jeunes, toutce que nous demandons c’est de remonter nos manches et de faire nos preuves, n’est-ce pas làen fin de compte la plus belle des qualités que l’on puisse attendre d’une nouvelle recrue ?

 

Maël BASEILHAC

 

Qu’avez vous ressenti en lisant cet essai ?  Personnellement je trouve ça  clair, bien écrit et tellement vrai.

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